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En mer de Chine

Dernière partie de cette 8ème pleine de rebondissements et de changement dans le classement. De quoi mettre nos nerfs à rude épreuve.

La remontée vers le nord le long de la côte est de Taïwan fut longue, fastidieuse, lente, humide. Nous avons vu Derry-Londonderry et Qingdao nous dépasser par la droite. En effet, sur la base des rapports de position que nous recevons toutes les 6 heures, ils ont réalisé que nous étions planté dans une zone de non vent, nettement plus à l’est que ce qui était prévu par les modèles de prévisions GFS (1°-7jours et 0.5°-5 jours). Belle performance de leur part : bravo.

Après avoir traversé au milieu des quelques cailloux japonais situé sur notre route, nous avons bénéficié, dinche matin d’un splendide lever de soleil sur le sud de la mer de Chine est. La température est toujours clémente. Il est possible d’aérer le bateau pour le sécher et laisser les odeurs de renfermé s’échapper.

En début d’après-midi, un grain cache le soleil en quelques minutes, pluie torrentielle et vent nous font passer sans transition du windseeker à la trinquette et un ris. Deux heures plus tard, un front froid passé, la température a sérieusement chuté. Les couches chaudes sont de rigueur pour la nuit. Cerise sur le gâteau, brouillard à couper au couteau pendant le quart de nuit.

Le vent est pratiquement aux abonnés absents et la « Scoring Gate » est toujours devant nous…

PS1. L’ « Ocean Sprint » est terminé. Aucun point engrangé, car nous avons été terriblement lent et les autres bien plus efficaces.

Vers le nord

A l’approche de l’île de Luzon, quelle ne fut pas notre surprise d’entendre des sifflements, puis d’apercevoir des bras s’agiter. Des naufragés, des pirates ? Nous tout simplement 2 pêcheurs dans une barque jaune d’environ 8 mètres de long avec de chaque côté des balanciers. Normal, me direz-vous, vous êtes à proximité d’une terre. Sauf que nous nous trouvions à environ 40 nM de la côte.

Plus tard dans la nuit, quelques lumières apparaissent et disparaissent. De temps à autre le bruit d’un petit moteur diesel, sans qu’il y ait de lumières du tout. Nous sommes à 15 nM de l’île et nous traversons des zones de pêches. Le plus impressionnant dans la deuxième partie de la nuit est de réaliser que 2 ou 3 lumières visibles en même temps proviennent de toute une flottille (une quinzaine de barques) qui s’était déplacée à notre très lente approche (il n’y avait pratiquement pas de vent et notre vitesse provenait pour l’essentiel du courant d’environ 2 noeuds) et qui après notre passage retournait sur sa zone de pêche.

Jeudi, au petit matin, nous quittons la protection de l’île de Luzon pour s’engager dans le détroit. Le changement de conditions est brutal. D’un vent léger, nous passons à 35-40 noeuds avec des rafales à 50 noeuds; d’une mer plate nous passons à une mer complètement chaotique avec des vagues courtes et abruptes. Les manoeuvres sur la plage avant sont délicates et sportives. C’est comme dans les livres : un très joli effet de pointe et le vent contre le courant.

Relativement rapidement la mer « s’aplatit », le vent se calme et notre progression vers le nord devient presque (on est toujours au près) confortable. La surveillance de nos concurrents est d’autant plus importante, que la traversée de ce détroit peut sans problème, nous faire gagner ou perdre plusieurs places en bien choisissant ou non ses options.

Au passage de la marque au sud de Taïwan, nous sommes en 2ème position, comme vous pouvez le voir sur le tracker et en pleine forme pour réaliser un excellent temps pour le passage de l’ « Ocean Sprint » (entre le 22ème et le 25ème parallèle).

Difficile de faire avancer le bateau vu le peu de vent. Nous passons de nuages en nuages qui nous produisent beaucoup de pluie et peu de vent. Comme un précédent “Ocean Sprint », cela ressemble plus à une course de tortues qu’à une course de formule 1.

PS1. L’heure de bord est depuis vendredi à TU+10.

PS2. Vivement l’équinoxe de printemps, car plus d’un mois de nuit de plus de 12 heures, c’est un peu trop. Je n’avais plus vécu cela depuis le 21 mars 2015.

PS3. Les lingettes humides achetées au Vietnam sont de loin les meilleures de toutes celles que nous avons eu à bord : qualité du tissu, taux d’humidité, parfum pour citer les principaux éléments.

PS4. Les oranges sont vertes, les goyaves ont remplacé les pommes, le carré sent la banane – les petites étaient succulentes – même s’il n’y en a plus.

PS5. La déshydratation est toujours potentiellement d’actualité, car même si la température baisse régulièrement, on transpire beaucoup dans les cirés – cela mouille sur le pont – et dans les banettes – tous les hublots étant fermés.

Retour vers le détroit de Luzon

Après la partie tactique aux alentours des îles Paracels, une partie nettement plus chemin de fer, même si certains ont déjà viré vers le N. Seule la vitesse compte pour se démarquer des autres. Pour compliquer ou faciliter les choses, le vent pendant un peu plus de 24 heures a soufflé fort, tout comme la mer était forte. On a à nouveau vécu penché et cela a tapé un peu plus que d’autres fois dans les vagues; le bonheur d’être au près, plutôt qu’au portant. L’équipage de même que le bateau ont plutôt bien supportés ces conditions musclées.

Le temps est à nouveau plus clément et LMAX Exchange avance plus sereinement sur une mer aplatie – il y a encore des vagues, mais elles se gèrent beaucoup plus facilement.

Nous nous approchons de l’île de Luzon (Philippines), avant de traverser du sud au nord le détroit de Luzon, que l’on connait pour l’avoir passé d’est en ouest il y a quelques semaines, en direction de la côte est de Taïwan et de rejoindre le courant du Japon (le frère pacifique du Gulf Stream).

PS. Etre « mother » dans des conditions plus extrêmes est tout aussi épuisant que de participer aux manoeuvres sur le pont. Une bonne nuit de récupération m’a fait le plus grand bien.

Da Nang : départ de la course 8

Pour la 8ème fois, nous sommes à nouveau en route. Le départ de la course 8 a été donné à 1015 TU au sud de la ville de Da Nang, côté mer de Chine Sud. Début de parcours sur un triangle imposant ainsi aux équipages de nombreuses manoeuvres et changements de voile. Puis à la tombée de la nuit, nous sommes partis pour la première marque du parcours après les marques du triangle : les îles Paracels à laisser à tribord, tout en restant à l’extérieur des eaux territoriales chinoises (12 nM).

Dans un vent de NE (vent de mousson d’hiver) variant entre 10 noeuds la première nuit, puis se renforçant à 25 noeuds dans la journée de dimanche. Dans la nuit de dimanche à lundi, avec un vent de 15 noueds, une dizaine de virements de bords pour rester sur la droite de la flotte et à la limite des eaux territoriales chinoises des îles Paracels; activité qui s’est avérée payante au niveau de notre classement. Ce fut de plus comme si nous faisions du rase-cailloux sans risque de faire des trous dans la coque, mais au mieux de prendre une pénalité (la zone étant interdite dans les instructions de course) au pire de perdre des heures à cause d’un bateau arraisoné par les autorités nationales. Amusant et plaisant exercice de navigation.

La cérémonie de départ organisée par la municipalité de Da Nang fut grandiose, comme le fût la soirée de remise des prix, avec un succulent diner de gala.

LMAX Exchange n’a pas participé à la parade de départ, car l’équipe technique était en train de remettre le safran bâbord à sa place. Un exercice compliqué, vu que le bateau était à quai et que le safran pèse plusieurs centaines de kilos. Il a d’abord été nécessaire de le descendre dans l’eau, pour ensuite remonter son axe dans le bateau, de le refixer et de remettre la barre entre les deux safrans, tout en s’assurant que ceux-ci soient bien parallèles. Pour mémoire, nous avons perdu la partie qui avait été réparée au Brésil quelques jours avant notre arrivée au Vietnam.

PS1. Comme vous pouvez le constater (!), nous sommes une année bissextile.

PS2. L’heure à bord est à TU+9 pour y voir clair au petit-déjeuner et au souper.