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A moins de 36 heures du départ de la course 1

DH8009368Dernier soir à terre, au café rouge pour manger un vrai steak.

Dimanche 30 août 2015, sortie de St-Katharine Docks pour parader sur la Tamise et sous le Tower Bridge (voir en direct).

Lundi 31 août 2015 à 1130 TU (1330 SUI), départ de la course 1 pour rejoindre Rio (je parie que nous y serons dans la journée du 25 septembre 2015). Le tracking sera disponible une demi heure avant le départ de la course (il faut aller voir sur le site officiel).

Cela me fait tout drôle de savoir que je ne retoucherai terre qu’au Brésil, que mon téléphone sera rangé pour un mois, que je n’échangerai plus de mails avec la famille et les amis, que je partagerai ma banette avec un autre équipier, qui dormira quand je bosserai sur le pont ou à la table à carte (j’ai la fonction de navigateur en plus de mon statut de toubib de bord) et vice-versa.

Pour me suivre : la page de LMAX Exchange

Team Olivier convoye LMAX Exchange à Londres

Après une intense préparation du bateau – changement de toutes les voiles, de toutes les drisses, de toutes les écoutes, vérification approfondie et nettoyage de toute la tuyauterie, de désalinisateur, du moteur, du groupe électrogène, le remplacement de plusieurs pièces, la mise aux couleurs du sponsor de la coque et de plusieurs des voiles d’avant, le mardi 18 août à 10 heures, nous quittons enfin Gosport que les bateaux et une partie de l’équipage ne retrouvera qu’en août 2016.

Après une parage simplifiée pour quitter Gosport et le port de Portsmouth, plusieurs exercices se déroulent à l’est de l’île de Wight pour préparer les parades qui se dérouleront 24 heures avant le départ de la première course sur la Tamise en sortant de St-Katharine Docks et sous le Tower Bridge.

A 15 heures, en route pour la marque E Margate (R) dans l’estuaire de la Tamise, signalant le début du Princess Channel, prochain rendez-vous fixé par les organisateurs. Nous atteignons cette marque un peu après le lever du soleil mercredi 18 août, soit près de 24 heures trop tôt.

Contrairement aux autres équipages qui attendent avec seulement la grand-voile, nous débutons un entraînement intensif sous spi dans un espace entre Margate Bank et les fermes d’éoliennes plantées dans l’estuaire. Cela motive l’équipage et donne encore plus envie aux derniers hésitants pour donner leur maximum pour se retrouver dans le peleton de tête.

En dehors de ma responsabilité médicale, je profite de ce convoyage pour m’approprier les instruments de navigation et en particulier l’outil de routage.
C’est également l’occasion de tester les réglages des nouvelles voiles, de sentir le bateau aux différentes allures.

Dans la journée de mercredi, nous remontons, en convoi, la Tamise pour gagner St-Katharine Docks, finaliser la préparation du bateau entre la cérémonie de nommage du bateau, les journées portes ouvertes, les événements officiels et de préparer la navigation pour la première course, sans parler des mises à jour des cartes à partir des « notices to mariners (77 pages de corrections depuis 2003 sur les cartes à utiliser jusqu’à Rio).

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Routage météo

Le routage météo : cela va être notre quotidien pendant une année. Parfois au large, sans avoir besoin d’intégrer en plus les effets côtiers ayant une influence majeure sur les vents, les courants, l’état de la mer. Souvent proche des terres (au départ et à l’arrivée de chaque course, mais aussi lors de la moitié des courses de la régate :

  • course 5, Sydney – Hobart
  • course 6, Hobart – Airlie Beach
  • course 7, Airlie Beach – SE asiatique
  • course 10, Seattle – Panama
  • course 11, Panama – New-York
  • course 13, Derry-Londonderry – Europe continentale
  • course 14, Europe continentale – Londres.

A titre d’exemple, Les îles Canaries perturbent le flux du vent jusqu’à 1000 km dans leur sud.

Plutôt que de faire de la théorie, je vous propose un exemple très concret et actuel. Je me suis inscrit pour la Transpac 2015 sur virtual-loup-de-mer. La course démarre à 2000TU le 18/07/2015.

Ma question est donc : Quelle route choisir ?

Depuis quelques jours j’observe la météo (conditions réelles et prévisions – le modèle GFS qui est utilisé sur le site pour la course virtuelle (mise à jour toutes les 6 heures).

J’observe également la trace des bateaux en course depuis le 13 juillet (premier départ de la course réelle).

Mon outil de routage qtVlm  avec des données de prévisions GFS à 10 jours à 0.25° obtenue via zyGrib.

Rejoindre l’arrivée demande plus de 10 jours. Il s’agit donc de choisir une route avec une part importante d’incertitude. Il devient nécessaire de tester plusieurs options.

Comme il s’agit d’une course virtuelle, les paramètres utilisés sont nettement plus limités que dans la réalité (pas de courant, pas de vagues influançant la polaire fournie) et les virements ou les empanages sont sans perte de vitesse.

Transpac_201507191800La route la plus rapide est celle du nord (rose); elle impose une décision très rapidement après le départ et n’offre plus d’alternative. Elle est donc risquée, si la situation météo évoluait différemment que les prévisions actuelles.

La route du milieu montre en utlisant les isochrones inverses que l’incertitude de parcours est faible, ce qui est bon signe, mais il y a également peu d’opportunité de corriger la décision initiale.

Les deux autres options Transpac_WP10j-3-1024x577retenues montrent qu’un léger décalage du WP de destination (à la limite des 10 jours) amène le logiciel à proposer deux routes très différentes, nécessitant également une décision rapidement après le départ (moins de 24 heures).

Les deux points sont atteints pratiquement en même temps et la distance à l’arrivée est quasiment identiques (350 nm environ) contre 280 nm pour le point de la route nord atteint 2 heures plus tard.

La distance à parcourir depuis la première porte (obligation de laisser Catilana Island à tribord) est de 2213 nm (orthodromie) et 2225 nm (loxodromie).

Les bateaux en course réelle semblent suivre plus ou moins une ligne directe qui se situe entre les options nord et l’option sud.

Les observations des derniers 8 jours donnaient à penser que la route directe ou même légèrement sud étaient privilégiées.

PilotChart07-LA-HonLe pilot chart du mois de juillet montre qu’à cette période il y un vent dominant du  N à NE entre 75% et 80% et une absence de vent inférieure à 3% sur la zone considérée.

Alors que choisir et sur quelle base ?

Ce qui rend la décision délicate est ce « marais » basse pression (environ 1010 hPa) au large de Los Angeles qui se déplace lentement vers l’ouest pour s’affaiblir le 22 juillet et disparaître le 23 juillet. Il impose d’essayer d’en sortir soit par son nord, soit par son sud pour espérer avoir du vent.

Animation de la prévision (18/07/2015 0000TU

Transpac_201507230000La position des bateaux le 24 juillet à 0000 TU met en évidence les écarts nord-sud (70 nm entre les routes 1 et 2 et  400 nm entre les routes 2 et 3) et les écarts de longitude (40 nm entre la route 1 et 2 et 150 nm entre la route 2 et 3).

Il est urgent d’attendre avant de prendre une décision ne laissant plus aucun choix. Il faut refaire le point toutes les 6 heures jusqu’au départ et pendant les premières 24 heures en optant pour la solution médiane (la route brune) la plus proche de la ligne directe et qui permet d’y revenir rapidement si la situation évolue.

179W

Lors de l’édition 2013-2014, Andrew Taylor, équipier tour-du-mondiste sur CV30 (Derry-Londonderry-Doire) s’est retrouvé projeté à la mer. C’était le 30 mars 2014 à 1132 TL (2332 TU) à la position 41°43.213’N 179°11.451’W (Pacifique nord lors de la course entre Qingdao, Chine et San Francisco, USA), la terre la plus proche (l’archipel d’Hawaï) se trouvant à quelques 1700 nm.

Le temps est mauvais, le vent souffle fort, la mer est forte, la température de l’eau de 10°C-11°C.

Il sera à bord à 1315 TL (0115 TU le 31/03/2014), soit 1 heure et 43 minutes plus tard. Un véritable coup de chance.

Il portait une combinaison étanche qui l’a maintenu en vie durant tout ce temps. Il était en possession d’une balise individuelle ,type AIS envoyant un signal d’alerte aux bateaux à proximité, soit le sien, il n’y avait personne d’autres dans les environs. Sa balise lui a sauvé la vie.

Pourquoi aussi longtemps, alors qu’il avait une balise. Comme le modèle n’était pas automatique, il fallait le déclencher manuellement. Le premier déclenchement n’étant que sur le mode test, il n’y avait pas d’émission; ce n’est qu’environ 45 minutes après s’être retrouvé dans l’eau, que la balise a été mise en mode alerte.

Suite à cette épouvantable expérience, Andrew Taylor a rédigé un ouvrage (179W, One Seven Nine West), de 314 pages. Il est publié à compte d’auteur début avril 2015.

L’auteur relate principalement certains des ses états d’âme pendant son tour du monde, ainsi que les multiples incidents/accidents subis lors des différentes étapes. La partie concernant l’épisode de l’homme à la mer tient dans une cinquantaine de pages, les plus intéressantes étant les textes des différents acteurs que cela soit sur le bateau ou à terre, pendant qu’Andrew était dans l’eau, à se demander si il reverrait un jour la terre.

Sans minimiser l’horreur de la situation, cet ouvrage m’a déçu. Il ne m’a pas apporté ce que j’attendais. J’attendais en effet un ouvrage qui ne soit pas principalement des impressions, mais des faits (basé sur le livre de bord et sur les observations des divers acteurs) et une analyse approfondie.

Par exemple, les incidents à bord ont été, si j’en crois ce que je lis dans cet ouvrage,  relativement nombreux. Andrew Taylor s’est blessé assez sérieusement à plusieurs reprises. Le nombre d’équipiers actifs, en particulier par mauvais temps, me semble souvent très limité, augmentant sérieusement la fatigue, donc les risques d’accidents.

En résumé, cet ouvrage, de type cathartique, a probablement permis à Andrew Taylor de surmonter ce traumatisme dramatique.

A lire entre les lignes pour tenter de découvrir ce qu’il s’y cache.

La leçon à retenir : un homme à la mer est une chose strictement interdite sur un bateau, c’est beaucoup trop dangereux.

Team Olivier building weekend

Encore un terme pompeux pour simplement dire qu’une équipe doit prendre du temps pour se construire, pour se mettre d’accord sur quelques valeurs fondamentales, pour trouver un mode de communication commun (que chacun comprenne l’autre et que personne ne s’offusque des propos d’un autre simplement parce que les différentes cultures ont des manières différentes de s’exprimer.

Les offres proposées par différentes entreprises pour aider à la construction d’une équipe donnent l’impression qu’il est absolument nécessaire de faire quelque chose hors du commun, en dehors du quotidien de ce qui se passe dans l’entreprise ou dans l’équipe qui veut se souder ou se reconstruire.

Mais la Clipper Race est déjà vendue comme quelque chose d’extra-ordinaire, permettant à tout un chacun de se surpasser, de découvrir de nouvelles limites, alors quoi …

Simplement un weekend de partage … une splendide balade dans la vallée du Couesnon (un tout petit fleuve qui sépare la Bretagne de la Normandie et qui se jette au fond de la baie du Mont-Saint-Michel), précédé d’un premier BBQ, suivi d’une discussion intense autour de la piscine, d’un deuxième BBQ, de nouvelles discussions en particulier sur l’importance d’équiper tous les gilets-harnais d’une balise individuelle de sécurité (AIS/DSC), du choix du « tube » de l’équipe, d’une excellente nuit sous tente ou dans la magnifique maison du skipper (nuit rafraichie par la pluie – on est en Bretagne, ne l’oublions pas), d’un super petit déjeuner avec croissants frais je vous prie, de nouveaux échanges sur l’organisation et la préparation du bateau.

Y a pas photo, le Team Olivier sur CV24 (ex-Switzerland) est une équipe de choc, sur laquelle il faudra compter pour faire l’histoire de cette dizième édition de la Clipper Race round the World.

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Découverte du Clipper 70

Le contexte de la découverte

Je suis monté à bord d’un clipper 70 (le CV27) pour un convoyage du 6 au 8 janvier 2015 entre Gosport et Londres et le retour de Londres à Gosport du 10 au 14 janvier 2015.

Environ 400 nm de navigation sous voile et au moteur, dans des conditions de vent du SO à O de 30 noeuds à moins de 10 noeuds à l’aller et au retour des vents du SO de 30 à 50 noeuds avec des rafales à plus de 60 noeuds sous les grains (la plus forte enregistrée étant de 76 noeuds) ; soit à peu près toutes les conditions qu’il sera possible de rencontrer.

A l’aller 13 personnes à bord (11 équipiers, 1 second et 1 skipper), au retour 9 personnes à bord (7 équipiers, 1 second et 1 skipper – ils avaient inversé les rôles). Tous les équipiers, sauf moi avaient participé à une ou plusieurs étapes des éditions 2009-2010, 2011-2012 et 2013-2014. Seuls ces derniers connaissaient déjà la bête.

Le bateau

Les caractéristiques du Clipper 70 sont les suivantes :

Longueur hors tout 23.15 m
Longueur pont 21.30 m
Longueur flottaison 20.70 m
Largeur 5.65 m
Tirant d’eau 3 m
Surface de la grand voile 120 m2
Surface Yankee 123 m2
Surface trinquette 50 m2
Surface Spi asymétrique 330 m2
Hauteur du mât 29.66 m
Déplacement total 34540 kg
Bulbe de la quille 12000 kg

Pour quelques images et une description détaillée du plan de pont voir ici.

La garde robe se compose de 11 voiles d’une surface totale de 1836 m2, incluant une grand voile, les yankee 1, 2 et 3, les spis asymétriques léger, médium et lourd, une trinquette, une voile tempête et un tourmentin. Suite à l’édition 2013-2014, le voilier va apporter un certain nombre de modifications, comme il est précisé dans la nouvelle parue sur le site de Clipper Race.

L’aménagement intérieur est plutôt spartiate. Le quart avant du bateau sert à stocker les voiles et les écoutes et drisses de rechange. Au centre du bateau, juste à l’arrière du mât, on trouve le carré (2 banquettes sur les côtés, ainsi qu’un espace pour stocker les cirés) et la cambuse au milieu de cet espace. Entre les 2 espaces 4 bannettes et un WC; le deuxième WC se trouve sur tribord en accédant à l’arrière du bateau, qui comprend 16 bannettes (8 de chaque côté) et à l’arrière (en avant des barres à roues) le poste de navigation. Un capot permet une communication directe entre le navigateur et le barreur.

Mes premières impressions

C’est un beau bateau, solide. Il est lourd, très lourd; je suis certain qu’il serait possible de gagner quelques tonnes.

Au portant, il est rapide; au près, c’est plus laborieux (le poids, les voiles fatiguées par un tour du monde expliquent probablement une partie de cette lenteur), mais le design de la coque en est vraisemblablement la principale raison. C’est un peu dommage pour une course qui comporte malgré tout une importante partie du parcours plutôt contre le vent. Cependant comme tous les bateaux sont en principe identiques, cela ne devrait pas jouer de rôle pour la compétition elle-même.

Le plan de pont est agréable (si on peut dire vu le poids et la taille de tout ce qui est à manœuvrer) d’utilisation. Le risque de blessure est cependant réel vu la puissance du bateau, le poids de tous les éléments (voiles, cordages); les mouvements du bateau sont amples, brutaux et les chutes faciles. Prendre tout le poids d’un équipier est douloureux et peut facilement casser une jambe. Lorsqu’une vague traverse le pont, ce sont des tonnes d’eau qui passe et embarque tout ce qui n’est pas arrimé.

Barrer le bateau est relativement facile dans toutes les conditions rencontrées. Cela demande cependant une attention continue, car il est très très sensible à la barre et les temps de réaction sont à l’échelle de la taille et du poids du bateau. Une mauvaise anticipation fait perdre de précieux mètres et de précieuses secondes.

Sous le pont, c’est plus dur. Le bateau est très très très humide, l’eau s’infiltre partout et tout le temps; les équipets latéraux supposés contenir les vêtements secs des équipiers étaient pour la plupart rempli entre un dixième et un quart de la hauteur d’eau. Le bruit et le froid sont normaux pour un bateau de course.

L’espace pour faire la cuisine est plutôt bien agencé pour réussir à préparer nourriture et boissons pour 20 personnes dans toutes les conditions météorologiques.

Dormir dans les bannettes (au vent et sous le vent) est facile et relativement tranquille, même lorsque le bateau bouge dans tous les sens, on ne décolle pas trop haut, même si j’ai rêvé que je volais).

Si l’idée de placer l’espace navigation à l’arrière est excellente, l’aménagement de cet espace laisse à désirer. Le capot en-dessus des appareils de navigation et de communication augmente sérieusement les risques de dégâts par l’eau de mer (il y a beaucoup d’eau qui passe sur le pont). De plus, lorsque le bateau gîte, il est à peu près impossible de tenir à la place de travail sans utiliser une main pour se retenir, ce qui est particulièrement handicapant pour le travail du navigateur. Le risque de gicler sur les côtés et de se blesser est important.

Le plan de travail est un peu étroit pour y poser une carte sans en faire rapidement un espèce de chiffon peu utilisable. Il manque de quoi coincer pointe sèche, crayon, etc. pour que ceux-ci ne valsent pas d’un coin à l’autre. Comme il n’y avait pas de carte électronique à bord, j’ai vraiment pu tester les limites pour travailler sur les cartes.

En résumé, malgré les remarques ci-dessus et le fait qu’il soit impératif d’effectuer des contrôles de maintenance au minimum une à deux fois par jour, un tour du monde sur ce bateau sera en général agréable.

Clipper Race 11-12 : Against the Tide 2

Mers immenses, sommeil minimal, conditions extrêmes, évacuations d’urgence au milieu de l’océan; voici ce que peut rencontrer chaque jour un membre de l’équipage de « Clipper 11-12 Round the World Yacht Race ».

Il s’agit de la plus longue course à voile du monde en équipage par des amateurs et la seule course du genre. Offrir à madame et monsieur tout le monde la chance de se mesurer à mère nature.

Ce documentaire vous permet de suivre le parcours des équipages sur ce tour du monde dans leur lutte pour mener leur voilier au but dan des conditions les plus extrêmes de la planète.

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Auteur: Clipper Ventures Plc
Clipper Race 11-12 (8ème édition)