Découverte du Clipper 70

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Le contexte de la découverte

Je suis monté à bord d’un clipper 70 (le CV27) pour un convoyage du 6 au 8 janvier 2015 entre Gosport et Londres et le retour de Londres à Gosport du 10 au 14 janvier 2015.

Environ 400 nm de navigation sous voile et au moteur, dans des conditions de vent du SO à O de 30 noeuds à moins de 10 noeuds à l’aller et au retour des vents du SO de 30 à 50 noeuds avec des rafales à plus de 60 noeuds sous les grains (la plus forte enregistrée étant de 76 noeuds) ; soit à peu près toutes les conditions qu’il sera possible de rencontrer.

A l’aller 13 personnes à bord (11 équipiers, 1 second et 1 skipper), au retour 9 personnes à bord (7 équipiers, 1 second et 1 skipper – ils avaient inversé les rôles). Tous les équipiers, sauf moi avaient participé à une ou plusieurs étapes des éditions 2009-2010, 2011-2012 et 2013-2014. Seuls ces derniers connaissaient déjà la bête.

Le bateau

Les caractéristiques du Clipper 70 sont les suivantes :

Longueur hors tout 23.15 m
Longueur pont 21.30 m
Longueur flottaison 20.70 m
Largeur 5.65 m
Tirant d’eau 3 m
Surface de la grand voile 120 m2
Surface Yankee 123 m2
Surface trinquette 50 m2
Surface Spi asymétrique 330 m2
Hauteur du mât 29.66 m
Déplacement total 34540 kg
Bulbe de la quille 12000 kg

Pour quelques images et une description détaillée du plan de pont voir ici.

La garde robe se compose de 11 voiles d’une surface totale de 1836 m2, incluant une grand voile, les yankee 1, 2 et 3, les spis asymétriques léger, médium et lourd, une trinquette, une voile tempête et un tourmentin. Suite à l’édition 2013-2014, le voilier va apporter un certain nombre de modifications, comme il est précisé dans la nouvelle parue sur le site de Clipper Race.

L’aménagement intérieur est plutôt spartiate. Le quart avant du bateau sert à stocker les voiles et les écoutes et drisses de rechange. Au centre du bateau, juste à l’arrière du mât, on trouve le carré (2 banquettes sur les côtés, ainsi qu’un espace pour stocker les cirés) et la cambuse au milieu de cet espace. Entre les 2 espaces 4 bannettes et un WC; le deuxième WC se trouve sur tribord en accédant à l’arrière du bateau, qui comprend 16 bannettes (8 de chaque côté) et à l’arrière (en avant des barres à roues) le poste de navigation. Un capot permet une communication directe entre le navigateur et le barreur.

Mes premières impressions

C’est un beau bateau, solide. Il est lourd, très lourd; je suis certain qu’il serait possible de gagner quelques tonnes.

Au portant, il est rapide; au près, c’est plus laborieux (le poids, les voiles fatiguées par un tour du monde expliquent probablement une partie de cette lenteur), mais le design de la coque en est vraisemblablement la principale raison. C’est un peu dommage pour une course qui comporte malgré tout une importante partie du parcours plutôt contre le vent. Cependant comme tous les bateaux sont en principe identiques, cela ne devrait pas jouer de rôle pour la compétition elle-même.

Le plan de pont est agréable (si on peut dire vu le poids et la taille de tout ce qui est à manœuvrer) d’utilisation. Le risque de blessure est cependant réel vu la puissance du bateau, le poids de tous les éléments (voiles, cordages); les mouvements du bateau sont amples, brutaux et les chutes faciles. Prendre tout le poids d’un équipier est douloureux et peut facilement casser une jambe. Lorsqu’une vague traverse le pont, ce sont des tonnes d’eau qui passe et embarque tout ce qui n’est pas arrimé.

Barrer le bateau est relativement facile dans toutes les conditions rencontrées. Cela demande cependant une attention continue, car il est très très sensible à la barre et les temps de réaction sont à l’échelle de la taille et du poids du bateau. Une mauvaise anticipation fait perdre de précieux mètres et de précieuses secondes.

Sous le pont, c’est plus dur. Le bateau est très très très humide, l’eau s’infiltre partout et tout le temps; les équipets latéraux supposés contenir les vêtements secs des équipiers étaient pour la plupart rempli entre un dixième et un quart de la hauteur d’eau. Le bruit et le froid sont normaux pour un bateau de course.

L’espace pour faire la cuisine est plutôt bien agencé pour réussir à préparer nourriture et boissons pour 20 personnes dans toutes les conditions météorologiques.

Dormir dans les bannettes (au vent et sous le vent) est facile et relativement tranquille, même lorsque le bateau bouge dans tous les sens, on ne décolle pas trop haut, même si j’ai rêvé que je volais).

Si l’idée de placer l’espace navigation à l’arrière est excellente, l’aménagement de cet espace laisse à désirer. Le capot en-dessus des appareils de navigation et de communication augmente sérieusement les risques de dégâts par l’eau de mer (il y a beaucoup d’eau qui passe sur le pont). De plus, lorsque le bateau gîte, il est à peu près impossible de tenir à la place de travail sans utiliser une main pour se retenir, ce qui est particulièrement handicapant pour le travail du navigateur. Le risque de gicler sur les côtés et de se blesser est important.

Le plan de travail est un peu étroit pour y poser une carte sans en faire rapidement un espèce de chiffon peu utilisable. Il manque de quoi coincer pointe sèche, crayon, etc. pour que ceux-ci ne valsent pas d’un coin à l’autre. Comme il n’y avait pas de carte électronique à bord, j’ai vraiment pu tester les limites pour travailler sur les cartes.

En résumé, malgré les remarques ci-dessus et le fait qu’il soit impératif d’effectuer des contrôles de maintenance au minimum une à deux fois par jour, un tour du monde sur ce bateau sera en général agréable.