L’anticyclone de St-Hélène (encore et encore) et Tristan da Cunha

Depuis 48 heures, l’anticyclone de Saint-Hélène nous fiche la paix. nous sommes sous l’influence d’un front oriente NW-SE qui nous a apporté des vents du secteur NW-NNW forcissant progressivement de 25-35 noeuds à 40-50 noeuds dans la matinée de dimanche avant de revenir vers W en diminuant aux alentours de 20-25 noeuds. Le soleil a disparu sous une épaisse couche de nuages bas et la pluie rince le pont et les cirés des paquets d’eau de mer qui ont régulièrement traversé le pont ces derniers jours. Les couleurs (à part celles des cirés rouges et du bleu turquoise de la mer dans les remous) ont disparu et le paysage n’est plus que des nuances de gris.

Mais l’anticyclone de Saint-Hélène n’a pas dit son dernier mot et nous devrons faire avec ces caprices ces prochains jours pour trouver la meilleure trajectoire (la plus rapide) pour gagner Le Cap au plus vite. Mais aussi le plan de voile le mieux adapte a la situation. Et comme elle risque d’être assez changeante, vous imaginez sans peine que l’équipage risque de suer un peu.

Nous avons passé à environ 200 NM au nord de Tristan da Cunha, un des 3 groupes d’îles avec Saint-Hélène et l’Ascension appartenant aux territoires britanniques d’outre-mer. Sa population en 2008 était d’environ 275. Le gouvernement britannique a investi un important montant pour y construire un aéroport. Le nom du groupe d’îles depuis 1506 est celui de l’amiral portugais Tristao da Cunha qui l’a découvert. Ce sont des Hollandais en 1643 et des français en 1767 qui ont explore et décrit ces îles.

Dans quelques jours, l’anticyclone de St-Hélène devrait être centré sur Tristan da Cunha, ce qui signifie que nous devrions nous retrouver à l’E de celui-ci. on l’aura vraiment sur le dos jusqu’à la fin.

PS : Samedi j’étais « mother », en charge avec mon partenaire de l’autre quart, de la nourriture pour tout l’équipage toute la journée. Nous avons préparé un plat approchant de la tortilla (pomme de terre, œufs avec un peu de lard et de carotte) cuisine au four (dans une poëlle par 50 noeuds de vent, c’est vraiment trop risque). Il y a une personne qui a comparé cela a de la tartiflette – je crois que toute personne spécialiste en tartiflette aurait sérieusement doute de cette affirmation). Ce n’était certes pas une vraie tortilla non plus, mais c’était ce dont avait besoin l’équipage pour affronter les éléments naturels.

Dominique Hausser sur LMAX Exchange, lundi 19/10/2015 0000 TU




L’anticyclone de St-Hélène (encore) et le sud

Eh oui ! Nous sommes toujours sous l’influence de l’anticyclone de St-Hélène. La dépression tant attendue pour nous pousser rapidement à l’est se fait attendre. Celle que nous souhaitions avoir a été maintenue, voire repoussée vers le sud par un nouvel anticyclone à l’est du Brésil (plus ou moins à la hauteur du Cabo Frio) et se liant sur le côte nord de l’anticyclone de St-Hélène existant, créant ainsi une importante zone anticyclonique à la frontière sud des alizés. La prochaine dépression est en approche, mais reste relativement sud et ne nous aidera probablement que partiellement.

Jeudi soir, nous avons viré pour plonger au sud à cause d’un vent de plus en plus orienté au S, puis au SE. Le vent dans la journée de vendredi a poursuivi sa rotation anti-horaire pour revenir au N puis au NNW. Ceci nous a permis de progressivement modifier notre cap vers l’est et d’ouvrir nos voiles, accélérant et aplatissant (un peu) le bateau.

Ce qui va se passer ces prochains jours reste difficile à évaluer, car nous restons dans une zone d’influence intermédiaire entre l’anticyclone au nord et la dépression au sud. L’évolution des systèmes météorologiques sera déterminant pour la suite de la route à suivre pour gagner le Cap au plus vite.

Nous naviguons dans des vents relativement soutenus, mais encore confortables. La mer est bien marquée par les vagues du vent et une houle longue (entre 150m et 300m) de SW de 2.5 m a 4 m.

Nous sommes bien au sud.

Depuis quelques jours, les shorts et les t-shirts ont disparu dans les sacs. Les cirés et les bottes sont de retour sur le pont, les sacs de couchage dans les bannettes.

La couleur de la mer a change, elle est maintenant bleu très foncé et bleu turquoise dans les turbulences du sillon du bateau.

L’eau des réservoirs issue du désalinisateur est fraîche.

Et surtout, les premiers oiseaux marins du sud ont apparu dans notre sillage. Je ne vous donne pas les noms, ma mémoire étant pour cela catastrophique et mon bouquin d’ornitho n’est plus accessible depuis la disparition « mystérieuse » de mon laptop durant l’arrêt a Rio.

3 espèces sont déjà visibles. Le brun foncé aux longues ailes fines en V orientée vers l’arrière, le blanc et noir à la tête trapue et aux ailes larges et courtes et vendredi matin, 3 albatros (juvénile) avec le dessus des ailes encore tout brun foncé.

Dominique Hausser sur LMAX Exchange, samedi 17/10/2015 0000 TU




L’anticyclone de St-Hélène et la maintenance

La dépression attendue n’est toujours pas là et nous sommes toujours sous l’influence de l’anticyclone de l’Atlantique sud ou anticyclone de Saint-Hélène. Le vent a progressivement passé du NE au N et NW en se reforçant tout d’abord à 20 – 30 nœuds, puis se stabilisant à hauteur de 20 nœuds. Nous maintenons un cap ESE et pour l’instant nous suivons le vent pour maintenir une vitesse optimale. Il n’existe pour l’instant pas vraiment de grandes options stratégiques, autre que de suivre la route nous rapprochant le plus rapidement du but. Les décisions sont plutôt d’ordre tactiques pour maintenir une vitesse la plus élevée possible. La position toutes les 6 heures de Quingdao est une référence importante pour vérifier la qualité de nos réglages.

Pour qu’un voilier avance, il faut des voiles. Pour que les voiles soient correctement réglées, il faut un équipage qui les règlent en fonction du cap suivi par le barreur. Mais ce n’est que la partie visible de l’activité sur un voilier. La partie cachée, à savoir les activités de maintenance mobilisent une bonne partie de l’équipage plusieurs heures par jour.

Préparer les repas pour tous mobilisent 2 personnes chaque jour. Les équipiers ont besoin de fuel pour fonctionner efficacement.

Contrôler le bon fonctionnement du générateur, du désalinisateur occupe 1 personne chaque jour; ces 2 éléments étant absolument essentiels pour ne pas avoir à s’arrêter dans un port (et donc devoir abandonner la course ou au mieux perdre toute chance de finir dans un temps raisonnable.

La vérification, les réparations et/ou les améliorations de l’équipement sur le pont nécessitent également un équipier chaque jour. Il en va de même pour le contrôle et les réparations des voiles. A nouveau, une voile hors d’usage aura un impact majeur sur la bonne marche du bateau.

Un bateau qui prend l’eau est un bateau lourd et déséquilibre qui avance moins vite. Il est nécessaire de contrôler très régulièrement les fonds du bateau et de vider l’eau qui s’y trouve. Et sur un bateau de course, il y a toujours de l’eau qui s’accumule dans les fonds : l’eau
s’infiltrant le long du mat est une constante tout comme la condensation qui est importante sur ce genre de bateau, en particulier lorsque l’humidité est élevée et que la différence de température entre l’extérieur et l’intérieur est marquée, ce qui est le cas actuellement.

PS : Le mal de mer dont a souffert une partie des équipiers sous l’influence d’une houle croisée n’est plus qu’un lointain souvenir pour la grande majorité.

Dominique Hausser sur LMAX Exchange, mercredi 14/10/2015 0000 TU




C’est reparti… Enfin!

Le 11 octobre 2015 a 0510 TU, le départ de la course 2 a été donné à environ 25 NM au large de Ihla Grande pour Quingdao (CV28) et LMAX Exchange (CV24), selon la procédure « Le Mans start ». Nous sommes de nouveau en course et notre classement, selon décision du comité de course, sera effectué en fonction du temps mis pour couper la ligne d’arrivée au Cap (Afrique du Sud) situee a quelques 3300 NM de la ligne de départ.

Le vent est de secteur NE de 10 a 15 nœuds. Il devrait progressivement tourner à gauche nous donnant ainsi l’occasion d’envoyer un spinnaker et de naviguer au portant.

Pour l’instant, nous naviguons au sud de la haute pression générant notre vent et une haute pression sur notre droite. Nous attendons avec impatience une dépression naissante à la frontière entre le Brésil et l’Uruguay, qui devrait nous permettre d’accélérer notre allure. Il n’est pas encore tout a fait certain que nous pourrons l’attraper, ce qui nous amènerait probablement à rester avec le système anticyclonique.

L’équipage se compose pour cette étape du skipper et de 18 équipiers (dont 4 nouveaux). Notre objectif est parfaitement clair : naviguer le plus vite possible pour obtenir un bon classement.

Petit retour en arrière depuis notre arrivée a Rio de Janeiro le 25 septembre dernier. Nous avons passe la ligne d’arrivée largement en tête et nous en sommes très fiers. A l’arrivée a Marina da Gloria, en chantier en prévision des prochains jeux olympiques (2016), nous avons été accueilli en fanfare par la municipalité de Rio.

Comme annoncé par le directeur de l’office du tourisme de la région de Rio, nous avons assisté au dernier jour du festival « Rock in Rio » qui fêtait ses 30 ans d’existence. Et comme il se doit pour tout bon festival, nous avons été copieusement arrosé par la pluie une bonne partie de la soirée.

Lors du convoyage de LMAX Exchange à la marina de Verolme située a 70 NM à l’ouest de Rio, un court moment d’inattention a suffi pour s’échouer sur praia Mambraia, magnifique plage de sable blanc totalement déserte, ce qui s’explique par le fait que c’est un terrain militaire. Nous y sommes restes plusieurs jours, ce que nous souhaitions évidemment pas du tout avant d’être sorti de cette sale position par le très compétent équipage d’un remorqueur brésilien. Le travail intensif des professionnels de la marina de Verolme a permis de refaire en quelques jours un des safrans endommages, de vérifier que la bateau soit en parfait état de marche.

Je n’ai malheureusement pas pu assister à la remise des prix qui selon mes coéquipiers étaient une réussite.

PS : Quingdao en tentant de sortir LMAX Exchange de la plage a également échoué, a subi des dommages et a pu être remis en état dans les mêmes délais. Merci à son skipper et aux équipiers.

Dominique Hausser sur LMAX Exchange, lundi 12/10/2015 0000 TU




Force 9

Je vous avais promis dans la nouvelle rédigée après le passage de l’équateur de vous parler du « force 9 ». Voici son histoire.

Il y a un certain nombre d’années, j’ai eu la chance de découvrir quelques-unes des îles de l’archipel du Cap Vert lors d’une croisière à voile au départ de Dakar. Après une traversée sans histoire, nous avions choisi de nous arrêter sur l’île Sao Nicolau. Les habitants nous ont accueilli très chaleureusement nous invitant systématiquement a toutes les fêtes – très fréquentes – qui s’organisaient sur l’île. Pour accompagner ces soirées en musique, un punch arrange façon Sao Nicolau des plus goûteux. Pour les curieux, ce punch est réalisé avec du rhum blanc (agricole), auquel était ajouté des agrumes (principalement des oranges), de la cannelle et autres épices goûteuses.

Quelques années plus tard pour accueillir nos invites sur notre petit voilier, et nous faire plaisir, nous décidâmes de préparer de ce breuvage (en fonction du lieu, les produits utilises pouvaient un peu varier) et de le stocker dans les fiasques de vin de 5 litres que l’on trouve facilement au Portugal.

Après avoir séjourné quelques semaines ou quelques mois, il était particulièrement aromatise et se laissait boire des plus facilement, avec des effets tardifs un peu traître. C’est pour cette raison qu’une de nos amies décida de le surnommer « Force 9 » en référence a l’échelle Beaufort.

A titre illustratif du plaisir apporte a nos hautes par « force 9 » : lors de notre passage a Madère, nous avions sympathise avec le capitaine d’un petit cargo délivrant la marchandise sur les différentes îles portugaises de l’Atlantique nord, qui de sa vie de marin, ne se souvenait d’avoir rencontré un breuvage aussi efficace.

PS1 : Lorsque vous lirez cette nouvelle, nous serons probablement à environ 500 NM de la ligne d’arrivée, située à quelques encablures de l’entrée dans la baie de Rio, juste au sud de marina da Gloria ou nous allons séjourné jusqu’au départ de la course #2 qui nous emmènera de Rio de Janeiro au Cap.

PS2 : Nous naviguons depuis 2 jours sous spinnaker avec un alizé qui a passe du sud-est a l’est et qui devrait tourner ces prochaines heures au nord-est en faiblissant avant une probable accélération au passage du célèbre Cabo Frio (qui fera certainement l’objet d’une nouvelle lors de la prochaine course.

PS3 : A bord, c’est le train-train quotidien, rythme par les quarts et les activités hors « navigation », comme la cuisine, le nettoyage, les contrôles (gréement, voiles, cordages, générateur, autres équipements techniques), les inévitables bricolages pour réparer ou améliorer. Peu de vie visible hormis celles des équipiers de LMAX Exchange.

PS3 : Si tout se passe comme prévu (je touche du bois), il ne devrait pas y avoir de nouvelle samedi prochain. Nous devrions être a terre et il y aura pas mal de boulot pour nettoyer le bateau, le préparer pour la prochaine course, assurer nos activités sociales diverses avec notre sponsor et celles prévues par l’organisateur et bien sur profiter de découvrir Rio de Janeiro.

Dominique Hausser sur LMAX Exchange, mercredi 23/09/2015 0000 TU




Les alizés

La zone tropicale possède une météorologie bien à elle qui diffère notablement de celle des latitudes moyennes. L’énergie fournie aux systèmes est principalement issue des cycles évaporation-condensation et de la réserve de chaleur a température élevée stockée dans les eaux de l’océan. Aux latitudes moyennes, ce sont les contrastes de masses d’air qui nourrissent en priorité les systèmes.

Les alizés se forment entre la ceinture de hautes pressions subtropicales (par exemple l’anticyclone des Açores) et la dépression équatoriale permanente appelée par les marins le pot-au-noir et la zone de convergence intertropicale par les météorologistes. Les alizés couvrent une grande partie de l’océan intertropical n’étant pertubé que par les dépressions thermiques régnant sur les continents et qui peuvent donner lieu a des phénomènes de moussons. Ce schéma colle assez bien a la réalité de l’océan Atlantique. Une analyse plus fine permet de mettre en évidence des différences dans l’océan Indien et dans l’océan Pacifique en raison de la topographie des terres, avec en particulier un effet fort du massif de l’Himalaya.

Pour plus de détails, je vous invite a lire l’excellent ouvrage de Jean-Yves Bernot sur la stratégie météo au large en course et en croisière.

Au temps de la marine marchande a voile, on appelait les alizés « les doux vents de la carte ». En langue d’oc, « alis » signifie « lisse », « doux ». Les anglo-saxons, plus pragmatiques, les nomment « les vents du commerce » (trade winds); en allemand, ils se nomment « Passat » en raison de la régularité des traversées.

Même si nous naviguions avec des vents du secteur NNE, nous n’avons trouvé les alizés que, tardivement, au sud de l’archipel des Canaries. Les alizés de l’Atlantique Nord soufflant a l’est de l’Atlantique du secteur NE avant de s’orienter N (à cause de la diminution de la force de Coriolis) nous ont poussé jusqu’au pot-au-noir rencontré juste au sud de l’archipel du Cap Vert. La bateau était plus ou moins plat, roulant un peu à cause des vagues de taille modérée (1 à 2 m) avec une température de l’air et de l’eau se réchauffant progressivement. Un appel au farniente, ce qui n’est pas ce qui est attendu d’un équipage d’un voilier en course.

Après le passage rapide du pot-au-noir, moins de 48 heures avec des vents variables et faibles, nous avons rejoins les alizés de l’Atlantique sud (environ a la latitude 11N). D’abord de secteur sud (même loi de Coriolis, mais dans l’autre sens), les vents se sont progressivement orientes au SE nous permettant de faire un bord bâbord bon plein en direction de Rio de Janeiro. De la position plate nous nous sommes retrouver a 45 degrés de l’horizontal; du roulis, nous sommes passe au tangage; de la température très élevée et d’une humidité a pratiquement 100% jour et nuit, nous retrouvons une température plus fraîche la nuit et une humidité nettement moins élevée (il n’y a plus un demi centimètre d’eau sur tout le corps tout le temps).

Progressivement à l’approche des cotes brésiliennes les alizés vont s’orienter a l’est puis au nord-est, nous permettant de retrouve une allure portante et donc des conditions similaires a celles rencontrées dans l’Atlantique nord.

PS1 : Nous avançons vite, 258 NM en 24 heures entre vendredi et samedi soir, mais cela vous le saviez déjà.

PS2 : Nous avons démarré l’  » Ocean sprint » de la première course, samedi 19 septembre a 2231 TU qui consiste a parcourir la distance entre les latitudes 5S et 10S le plus rapidement possible (plus vite que tous les autres bateaux en course) pour engranger 2 points supplémentaires – nous ne saurons donc que lorsque tous les bateaux auront passe la latitude 10S qui bénéficiera de ces 2 points.

PS3 : La croix du sud est maintenant bien visible; d’abord parce qu’une bonne partie de la nuit est sans lune (son croissant étant maintenant a plat regardant vers le haut), ensuite parqu’il n’y a plus de spinnaker pour la cacher.

PS4 : Depuis 2 nuits, nous croisons plein de grosses méduses bio-fluorescentes, qui ont surpris plusieurs membres de l’équipage. Sinon peu d’oiseaux et de moins en moins de poissons volants.

Dominique Hausser sur LMAX Exchange, lundi 21/09/2015 0000 TU




Le corridor

Kesako ?

Pour la transcription technique du corridor défini dans les instructions de course de la course #1 je vous renvoie a l’excellente news de Igor, skipper de Qingdao sur le site officiel de la Clipper Race.

En bref c’est un des 3 passages obligés sur le parcours entre Southend Pier et Rio. Cette règle a été ajoutée aux instructions de course 2015-2016, car pendant l’édition 2013-2014, plusieurs bateaux sont restes skotchés une dizaine de jours dans le pot-au-noir et ne sont arrivés à Rio que deux ou trois jour avant le départ de la course #2 vers Le Cap. Trop peu de temps pour préparer les bateaux et l’obligation pour de nombreux équipiers (ceux débarquant et ceux embarquant) à modifier leurs réservations de vols et d’hôtels; idem pour les familles et amis venus rendre visite à leurs proches.

Le passage de ce corridor est plutôt complique à gérer, car le pot-au-noir est une zone très instable avec des conditions météo variant notablement d’un jour a l’autre.

En plus de sa grande longueur (600 nm) et d’être centre autour de la longitude 29W, les bateaux sont autorisés à avancer au moteur ou au moteur-voile sur un maximum de 6 degrés de latitude ou pendant un maximum de 60 heures.

La position du corridor limite ainsi le choix pour traverser la zone sans vent et de grains au plus vite; ou autrement dit, si vous avez de la chance cela passera facilement, sinon …

Quand faut-il utiliser son moteur (si il est décidé de l’utiliser), ce qui va limiter la progression a 360 nm en 60 heures, soit une moyenne de 6 nœuds. Sans vent, on va plus vite, mais avec du vent on va plus lentement.

Quelle trajectoire choisir pour qu’au bout des 6 degrés et/ou des 60 heures, au moment d’arrêter le moteur, il y ai du vent (et surtout un vent favorable pour rejoindre Rio au plus vite).

Je vous imagine vous gratter la tête a la lecture des derniers paragraphes, alors imaginez a quoi nous avons été confrontés.

Arrivés au sud de l’archipel du Cap Vert, le vent faiblit et devient variable en direction. Nous sommes encore à 24 heures au moins de l’entrée du corridor. Pendant plusieurs jours, les données météo indiquaient des vents faibles et variables jusqu’à la latitude 8N; ce qui incitait a enclencher le moteur des l’entrée dans le corridor. Cependant les derniers fichiers montraient des vents mieux établis des le début du corridor incitant a attendre un peu avant de démarrer le moteur et subir la réglé des 6 degrés et 60 heures. Plus compliqué encore, la réalité était encore différente et le vent semblait déjà plus stable des la demi-journée, indiquant une évolution plus rapide que celle annoncée par les fichiers météo.

Finalement il est décidé d’utiliser la possibilité du moteur entre les latitudes 12N et 6N.

Quelques heures plus tard, angoisse; les vents semblent bien établi et donnent a nos concurrents un certain avantage, pour ne pas dire un avantage certain.

Fort chanceusement, la situation évolue a nouveau (les changements sont rapides dans cette région et une prévision locale détaillée est relativement aléatoire) et nous redonne espoir de ne pas perdre notre position en tête de la course. Et la situation va progressivement évoluer en notre faveur, nous permettant de quitter le corridor avec une avance confortable.

Finalement, c’est un peu (beaucoup) le hasard qui nous a permis de rester en tête de la course et de ne pas être oblige de recommencer tout le travail effectue entre le départ et le sud du cap Finistère. Une intéressante discussion pour les amoureux des règles de course à la voile.

PS1 : Depuis la latitude 6N, nous vivons a nouveau a 45 degrés de l’horizontal 😉

PS2 : Nous sommes sortis du corridor.

PS3 : Nous avons passé la latitude 00 00.000 a 1604TU le vendredi 18 septembre 2015, nous sommes maintenant dans l’hémisphère sud. Neptune a fait payer leur tribu a tous ceux qui traversait l’équateur en bateau pour la première fois. Pour moi, une cuillère de « Marmite », la version anglaise
du « Cenovis » de mon enfance. J’aurai nettement préféré un bon « force 9 » – je vous raconterai l’histoire du « force 9 » dans une prochaine nouvelle, c’est promis.

PS4 : Pour ne pas faire comme Team Vestas lors de la dernière Volvo Ocean Race, nous avons ajouter une marque sur le plotter pour être sur d’éviter Penedos de Sao Pedro e Sao Paulo (N00 55.01 W029 20.76). Comme ce caillou est sur un passage de cargos, il y a même un phare d’une portée de 15 NM.

Dominique Hausser sur LMAX Exchange, samedi 19/09/2015 0000 TU




Cellulaire

Rien à voir avec la biologie, la cuisine ou une nouvelle méthode de naviguer.

A peine le départ donne, que déjà les premiers messages, les premières images sont envoyées, qui a la famille, qui aux amis, qui enfin aux membres de l’équipe LMAX Exchange. Les téléphones de nombre d’équipiers crépitent à qui mieux mieux.

Ils ont cesse d’émettre en quittant la cote anglaise. A peine Alderney en vue, qu’ils ressortent des poches. « Bonjour, chérie. Tout va bien, on arrive sur la cote française. » Et cela continuera jusqu’au passage de Ouessant. La traversée du golfe de Gascogne est tranquille côté cellulaire; côté voile, il faut s’accrocher pour tenter de distancer les proches concurrents.

A peine une terre visible annoncée, il s’agit de la côte NW de la Galice et le cap Finistère dans le fond, qu’à nouveau on entend : « je n’ai pas de signal et toi ? » « Ça y est je l’ai. » « Moi toujours pas. Ah si c’est bon. »

Et puis un peu plus tard, à nouveau le silence des cellulaires.

A l’annonce de la proximité de Lanzarote, premières tentatives qui échoueront lamentablement, on passe trop loin. « Je vois une île. » Avant même de se demander laquelle on voit, que l’on entend : « Bonjour ma puce, c’est papa. » « Allô chéri, tout va bien a bord. Comment vas-tu et comment vont les enfants ? »

Nous passons a l’est de Gran Canaria, l’on voit bien les grues du port commercial de Las Palmas.

A l’approche de l’archipel du Cap Vert, rebelote. Les îles du nord de l’archipel restent dans la brume et nous sommes hors de portée du signal. Un presque désespoir atteint les accros du mobile. Au coucher du soleil, le miracle, Fogo et ses hauts sommets sont visibles. « Ici il fait beau et très très chaud. Comment dis-tu, il pleut sur Paris, je ne t’envie pas même si tu me manques beaucoup. » « Salut papa, tout va bien a bord et ta santé ? »

Les dernières lumières des habitations de Fogo disparaissent, les téléphones repartent au fond des poches ou du bateau.

Prochaine sortie des téléphones au contact de la cote brésilienne ou peut-être en passant a proximité de l’archipel de Fernando de Noronha.

D’ici la, les grains du pot au noir, puis une semaine au près, bon plein et travers dans 20-25 nœuds de vent du SE.

PS1 : Être en tête c’est super, mais … nous sommes les premiers à avoir ralenti a l’entrée du pot au noir; de voir les poursuivants se rapprocher à grande vitesse est générateur, chez certains dont moi, d’un certain stress, bien que sachant qu’ils vont aussi ralentir, mais peut-être pas autant que nous et en espérant vivement que nous repartirons avant qu’ils nous rattrapent, voire nous dépassent; dans ce dernier cas, tout le travail pour reprendre la première place serait a refaire avec moins d’options a disposition.

PS2 : Les angoisses exprimées en PS1 se dissipent grandement en voyant les difficiles conditions de vent de nos poursuivants directs pour faire avancer le bateau.

Dominique Hausser sur LMAX Exchange, mercredi 16/09/2015 0000 TU




Pot au noir quand tu nous tiens!

LMAX Exchange mène toujours le bal, et marque plus de 150 milles d’avance sur ses poursuivants directes. Entré dans le Pot au Noir depuis deux jours, le bateau poursuit sa route vers Rio, qu’il doit rejoindre d’ici une dizaine de jours.

Les équipages vont devoir jouer de sens tactique, pour franchir la zone de convergence intertropicale, la fameuse ZIC. Pour favoriser un passage relativement rapide, le règlement autorise, sous certaines conditions l’utilisation du moteur. Les concurrents peuvent donc recourir à ce mode de propulsion pour une période maximal de 60 heures, et franchir six degrés de latitude vers le sud au plus. Le choix peut être fait entre le 12ème et le 2ème parallèle nord, et le passage doit se faire entre le 25ème et le 29ème degré ouest. A chacun donc de décider le moment adéquat pour démarrer l’engin, en sachant que ce type de voilier peut, dès qu’il touche un peu de vent, aller plus vite à la voile qu’au moteur.

Pour l’heure, l’équipage est content de pouvoir trouver prendre un peu de repos lors de cette période, qui est évidemment moins contraignantes. Les quarts peuvent être tenu par un nombre réduit d’équipier, et la concentration requise est moindre.

Le temps est à l’image de ce qui était attendu, avec d’énormes grains, une chaleur intense, et des vents tournants.

Tout le monde profite de cette traversée dans la traversée, pour recharger ses batteries et être d’attaque pour la dernière partie de course vers Rio.




La « media girl »

Les yeux encore pleins de sommeil, elle se précipite sur le pont sa camera et son appareil de photo à la main pour saisir les derniers instants de l’activité du quart 0400-0800. Son petit-déjeuner rapidement avalé lui permet de reprendre sa caméra pour filmer les activités du matin, interviewer l’un ou l’autre des membres de l’équipage sur ce qu’il fait, sur son vécu a bord depuis le début de la course.

Depuis quelques jours il fait trop chaud l’après-midi pour faire autre chose que la sieste, Kristi fait donc comme tout ceux qui ne sont pas de quart, elle s’endort sur son laptop; le traitement des images attendra les heures plus clémentes du début de la nuit. Entre temps, elle aura bien entendu saisi tous les événements de l’après-midi et en particulier les empannages (cela nous permet de voir les progrès réalisés depuis le départ de la course).

Kristi apprécie beaucoup cette première étape comme cameraman et non comme équipière qu’elle était lors de la précédente édition de la Clipper Race. Elle est impressionnée par la rapidité avec laquelle l’équipe a pu travailler ensemble et améliorer notablement la qualité et la vitesse d’exécution des manœuvres. Ses échanges avec les équipiers sont enrichissants, en particulier la découverte des challenges que chacun s’est donne en participant a cette aventure.

Kristi travaille comme cameraman pour la société 1080 specialisée dans la realisation de documentaires. Cette dernière a été mandatée par Clipper Ventures pour suivre la 10eme édition de la Clipper round the World Yacht Race. Deux cameramans seront a bord des bateaux tout au long de la course (pour le détail voir la nouvelle sur Kristi). Elle travaillait pour l’équipe Alvemedica lors de la dernière Volvo Ocean Race.

Kristi a 28 ans, elle est née a Lafayette/Indiana, elle a grandi à Brook/Indiana, elle a débuté la voile à Wisconsin/Lac Michigan, elle vit sur des bateaux depuis son tour du monde sur Derry-Londonderry-Doire lors de la Clipper Race 2013-2014.

PS1 : Traversée de l’archipel du Cap Vert. Je me réjouissais de revoir les îles visitées en 1982 – Ihla de Sao Nicolau, Ihla do Sal et Ihla de Boavista: elles sont restées cachées par la brume. Finalement ce sont les sommets – Cha de Caldeiras, 2829m et Mte. Portela, 2685m qui nous permis de voir Ihla de Fogo le 12 septembre a 1930 TU.

PS2 : Première douche d’eau douce depuis le départ de Londres, ce dimanche 13 septembre au lever du jour; nous sommes en plein dans les grains et la presqu’absence de vent entre les nuages depuis minuit: le pot au noir presque comme dans les livres pour faire court. Le parcours (24 heures environ) jusqu’à l’entrée du corridor va être complique a gérer.

PS3 : Deuxième douche de 50 minutes en fin de journée, histoire de rincer la transpiration d’une journée particulièrement moite.

Dominique Hausser sur LMAX Exchange, lundi 14/09/2015 0000 TU