Course 7 : une course étrange

image_pdfimage_print

Une course hors de l’ordinaire pour de nombreuses raisons que je vais essayer de décrire.

  • Du moteur pour rejoindre la ligne de départ et le port d’arrivée
  • De la chaleur et de l’humidité
  • La traversée du pot-au-noir
  • Un voilier dématé à la dérive
  • Les explosions de spinnaker
  • Un safran en souffrance
  • Les modifications de parcours
  • Une demande de réparation

Du moteur pour rejoindre la ligne de départ et le port d’arrivée

Pour rejoindre la ligne de départ, plus de 24 heures de moteur, car celle-ci a été placée à l’extérieur de la grande barrière de corail.

Pour rejoindre Da Nang, plus de 48 heures de navigation après la clôture de la ligne d’arrivée (sur un parcours raccourci), dont plus de 12 heures au moteur à tirer des bords dans un vent venant directement de là où on veut aller.

De la chaleur et de l’humidité

Une chaleur incroyable dès le départ de Airlie Beach. Les quantités d’eau ingurgitées dépasse, la première semaine, largement les 6 à 8 litres par 24 heures. Au fur et à mesure de notre remontée vers le Nord. Il faudra pratiquement attendre notre arrivée à Da Nang pour remettre des couches de vêtements.

Mouillé par la transpiration de jour comme de nuit, sur le pont et sous le pont. Aucun endroit sec, aucun vêtement sec. Je ne m’y suis pas vraiment habitué.

La traversée du pot-au-noir

Pas simple de voir que nos options ne sont pas les bonnes et que nos concurrents nous devance de quelques milles après chaque nuage ou presque.

A part cela une traversée de la mer de Solomon (la zone du pot-au-noir) rapide, puisque nous la traversons en 5 jours.

De la ligne de départ à la « scoring gate », 8jours environ, comme le montrait les modèles de routage, pratiquement une semaine avant le départ, avec un parcours un peu variable dans la mer de Solomon, ce qui n’était pas surprenant.

Un voilier dématé à la dérive

dismastedyachtL’article publié sur le site de Clipper est succinct.

Découvrir juste à côté de soi, alors que l’on navigue au portant un voilier dématé, dérivant visiblement depuis quelques semaines est plutôt inhabituel. Je n’en avais jamais vu aussi loin des côtes.

Nous naviguions au portant à près de 14 noeuds de moyenne. Il a fallu 10 minutes pour affaler les voiles d’avant (la surprise de la découverte ayant probablement un peu ralenti la manoeuvre) et faire demi-tour sur le voilier se trouvant déjà à près de 1.8 nM.

Plusieurs tours autour du bateau en signalant notre présence avec la très sonore corne de brume ne permet de détecter aucune présence à bord.

Les autorités sont contactées, comme il se doit; tout comme une invistagation plus poussée à bord du bateau en difficulté est effectuée. Après 3 heures et 14 minutes, libérés par les autorités, nous reprenons notre course.

Les explosions de spinnaker

Un premier spinnaker (le code 2) déchiré de la tête au point d’écoute et au point d’amure dans des conditions soutenues (20-25 noeuds) grâce à un forte rafale (environ 50 noeuds).

Le travail de remise en état de la voile est immédiatement entrepris par notre experte avec l’aide d’équipiers. Un énorme boulot que de se débattre avec 310 mètres carrés de tissus déchirés avec des fils (ils sont solides et très coupants) dans tous les coins, de remettre les morceaux et de les maintenir ensemble. Pour coller les pièces, il faut une surface plane et stable, pas évident dans un bateau qui bien entendu, continue la course.

Quelques jours plus tard, rebelotte avec le code 3; la rafale est aussi de 50 noeuds, mais dans un vent plus fort (30-35 noeuds) et un mer très formée (vagues de 2.5 à 4 mètres). Il est en 2 morceaux.

Le code 2 est complètement collé, il ne reste plus que la couture : 50 mètres de réparation sur laquelle il faut coudre à la machine un beau zig-zag (un autre) de 2 à 5 fois (près de 200 mètres à parcourir). Il attendra Da Nang.

C’est le code 3 qui maintenant bénéficie de toutes les attentions. Il sera complètement réparé en quelques jours et retesté dans des conditions de vents raisonnables.

Un safran en souffrance

Il avait été réparé à Rio. Pour une raison inconnue, la réparation s’est fait la malle et les 3 derniers jours de courses, nous n’avions plus qu’un bout de safran à tribord. Il était prévu de mettre un nouveau safran à Sydney, mais …

Des pièces pour une nouvelle réparation doivent arriver de Grande Bretagne, et selon la rumeur un nouveau safran lors de notre prochain stop en Chine.

Les modifications de parcours

Le 31 janvier au même moment où nous découvrions le bateau dématé, le comité de course décidait de modifier le parcours de la course 7, sous le prétexte que nous avions traversé trop vite le pot-au-noir, qu’il était impossible d’arriver à Da Nang pendant les fêtes du Tet (ce qui est probablement vrai), que plusieurs équipiers n’avaient de visa qu’à partir du 17 février et que plusieurs autres n’avaient pas de visa puisque leur séjour serait inférieur à 15 jours.

Il était parfaitement possible d’évaluer l’ETA (l’heure estimée d’arrivée) plusieurs jours avant le départ de la course 7, soit une arrivée entre le 8 et 10 février. En effet de la ligne de départ à la « scoring gate », 2°S, soit le N du pot-au-noir, il fallait environ 8 jours; la suite du parcours s’effectuant en mer de Philippines avec des alizés stables 20-25 noeuds du NE puis la dernières partie dans la mousson stable, 30-35 noeuds du NE. Une simple règle de 3 à appliquer sur les quelques 4200 nM du parcours.

La première modification de parcours a supprimé la marque (Luzon, Philippines) sur laquelle se dirigeait depuis quelques jours tous les compétiteurs (infraction flagrante de la règle 33 des  règles de course à la voile (RCV). Cette marque était remplacée par une autre (Amanian Island) environ 155 nM au N de celle-ci. Puis on nous envoyait au sud du Vietnam sur la mer de Chine sud avant de nous faire remonter (face au vent et au courant) vers la ligne d’arrivée devant Da Nang. Une augmentation de parcours d’environ 1200 nM. Un parcours difficile pour les 10 derniers jours de course avec un équipage fatigué, mais ouvrant à nouveau le jeu.

Quelques jours plus tard, nouvelle modification de parcours, faisant revenir les compétiteurs, non plus le long de la côte vietnamienne, mais sur un parcours maintenant les bateaux à une distance de 450 à 500 nM de Da Nang. Plus aucun intérêt, les bateaux naviguant à la queuleuleu sans aucune option. Soit une nouvelle augmentation de parcours d’environ 700 nM.

Et bien sûr, ce qui devait arrivé est arrivé, un parcours raccourci avec une clôture de ligne fixée au 14 février à 2100 TU pour s’assurer que tous les bateaux soit à Da Nang le 17 février.

Une demande de réparation

Après l’incident du bateau dématé, nous avons annoncé une demande de réparation. Au lieu d’être traitée formellement comme requis par les instructions de course et les RCV, elle a été traitée par le directeur de course. Le résultat de ces cogitations ont été publiée sur le site officiel et c’est un parent d’une personne à bord qui nous a retransmis ce qu’il avait lu, à savoir une réparation accordée, mais avec un arrangement dont la base du raisonnement est parfaitement incompréhensible. La demande de réparation formelle a été préparée, mais elle n’a jamais pu être déposée, le comité de course considérant que cela n’était pas nécessaire. Une procédure formelle, avec un « hearing » aurait permis un échange entre le comité de réclamation et le bateau.

En résumé, une course plus qu’étrange; peut-être qu’il en faut une sur une régate de près d’une année.